Artistes & Mouvements


A.


B.

Benedetto Buffalino

Benedetto Bufalino à Lens, l’artiste qui veut réenchanter nos espaces publics. Il y a des artistes qui savent surprendre et donner le sourire : Benedetto Bufalino est de ceux-là. Il amène l’art dans l’espace public.

Body art ( mouvement )

Le Body Art se définit comme une multitude de pratiques utilisant le corps comme matériel, comme support, comme moyen et le plus souvent la photographie comme média. Les artistes expriment au moyen d’actions, de performances, le corps occulté, opprimé ou rejeté ; le sexe, le plaisir, la souffrance, la mort… et toutes les notions périphériques à celle du corps socialisé y prennent une importance toute particulière.

Vito Acconci, Chris Burden, Michel Journiac, Urs Lüthi, Dennis Oppenheim, Gina Pane.
* Happening d’Otto Muehl à Trieste, 1978

Jérôme Bosch

Ses tableaux fantastiques nous transportent dans des mondes peuplés de monstres, entre l’Enfer et le Paradis. Jérôme Bosch (1450–1516) est l’un des artistes à l’imagination la plus féconde de la Renaissance flamande, un véritable précurseur des surréalistes qui le reconnaîtront comme un maître. En donnant forme à des univers inquiétants, diaboliques ou séduisants, Bosch semble sonder les peurs et les désirs inconscients des êtres humains. Son langage métaphorique et symbolique est une singularité à son époque, marquée par une crise du religieux qui aboutira à la Réforme luthérienne.

Attribué à Jacques Le Boucq, Portrait de Jérôme Bosch
Attribué à Jacques Le Boucq, Portrait de Jérôme Bosch, vers 1550i

On a dit de lui

« Jérôme Bosch créa dans la peinture le genre fantastique. » – Alfred Michiels

Sa vie

Hieronymus Van Aken, dit Jérôme Bosch, originaire des Pays-Bas, descend d’une famille d’artistes. C’est donc auprès de son père que le jeune garçon est formé à l’art de peindre. Marié jeune à une femme nettement plus âgée que lui, et plus riche, il jouit d’une agréable aisance financière.

L’artiste débute sa carrière grâce à des commanditaires de sa ville natale, Bois-le-Duc (Den Bosch en néerlandais). Il fait également partie d’une confrérie pieuse attachée à la cathédrale locale. Son talent étant vite repéré, Bosch est appelé à travailler pour des nobles. Le peintre aurait également voyagé en Italie, mais les sources manquent pour le confirmer. D’une manière générale, il était plutôt un sédentaire.

L’art de Bosch est très personnel. Il aimait accoupler des formes bizarres, imaginer des monstres, créer des paysages de ruines. Ses personnages, tout comme les situations, sont généralement manichéennes, relevant de l’Enfer ou du Paradis. Il semble que l’art de l’enluminure ait pu avoir une influence sur l’artiste très soucieux des détails. Certains historiens de l’art voient ainsi dans l’œuvre de Bosch, dans ses « diableries », un héritage des bestiaires médiévaux. D’un point de vue technique, son style se rapproche de celui des primitifs flamands mais sa palette s’en distingue par le le jeu des nuances, des transparences et des contrastes.

D’où tirait-il son imagination ? Probablement de ses lectures ! Celles de traités mystiques, parfois considérés comme des textes hérétiques. Ses œuvres semblent étranges à une époque où domine le christianisme. Pourtant, l’artiste était croyant, et plutôt que de tourner en dérision la religion, il se place en moralisateur mettant en garde ses contemporains contre l’impiété.

Bosch signait ses toiles en lettres gothiques, mais il semble qu’il ait eu très tôt des faussaires. Une partie de ses œuvre a malheureusement disparu, ou a péri dans des incendies. D’autres ont été abimées par des restaurations.

Mort en 1516, c’est-à-dire à l’âge de 66 ans, Bosch est longtemps resté un oublié de l’histoire de l’art, jusqu’à sa redécouverte au XXe siècle. Les surréalistes ont vu en lui un visionnaire, capable d’exprimer des images et des peurs enfouies dans l’inconscient.

Ses œuvres clés

Jérôme Bosch, Le Jugement dernier
Jérôme Bosch, Le Jugement dernier, après 1482i

Le Jugement dernier, après 1482

Tour de force de Bosch, Le Jugement dernier est un thème eschatologique de toute première importance durant le Moyen Âge. Il a trait au jugement des âmes, qui seront triées et envoyées soit vers l’Enfer, soit vers le Paradis (les deux panneaux latéraux). Dans le panneau central de ce triptyque, Bosch fait preuve d’une grande fantaisie : sous la figure divine, un monde entier fourmille de personnages placés dans des actions déconcertantes, comme prisonniers d’un monde trop grand pour eux. Ils sont poursuivis et châtiées par des créatures monstrueuses et infernales.

Jérôme Bosch, Le Jardin des délices
Jérôme Bosch, Le Jardin des délices, vers 1500i

Le Jardin des délices, vers 1500

Œuvre la plus célèbre de Bosch, ce triptyque offre une interprétation du Paradis (panneau de gauche), des plaisirs terrestres (panneau central) et de l’Enfer (panneau de droite). Le panneau central est le plus commenté. Les délices terrestres – surtout ceux de la chair – représentent surtout des dangers et des tentations pour les fidèles. L’érotisme, ici sous la forme d’orgies, d’exhibitionnisme, de copulations en tout genre, serait le plus grave des péchés… Sanctionné par l’Enfer ! Ce qui n’empêche pas une représentation détaillée et inventive.

Jérôme Bosch, La Nef des fous
Jérôme Bosch, La Nef des fous, vers 1500–1510i

La Nef des fous, vers 1500–1510

Attribué à Bosch, ce panneau serait issu d’un ancien triptyque. Probablement inspiré par la lecture du livre d’un humaniste allemand de son temps, Sébastien Brant, le peintre représente un thème profane et néanmoins sacré : l’accueil sur un navire des âmes à la dérive, de ceux qui personnifient les faiblesses de l’Homme, dont un moine et une religieuse. Ces personnages aux attitudes inconséquentes rappellent le thème des carnavals, mais aussi les satires de l’Église, dans l’esprit annonciateur de la Réforme.


C.

CUBISME ( mouvement )

France, 1908-1920

Ni mouvement, ni véritable groupe, le Cubisme représente une étape importante dans la longue recherche des peintres sur l’espace, la perspective, le rendu des volumes sur la bidimensionalité de la toile. Son histoire est indissociable des deux artistes qui l’ont inventé et porté à son terme de 1908 à 1914 : Braque et Picasso. À l’origine du Cubisme, on peut déceler deux influences convergentes : d’une part l’héritage du dernier Cézanne (surtout chez Braque) ; d’autre part la découverte des arts primitifs (surtout chez Picasso) : la sculpture ibérique, l’art d’Océanie et les masques africains, dont l’impact est évident dans la partie droite des Demoiselles d’Avignon (1907) unanimement considérées comme le coup d’envoi de l’aventure cubiste. Celle-ci est ponctuée des séjours des deux peintres hors de Paris, surtout dans le Sud. Au cours de l’été 1908, Braque peint à l’Estaque et Matisse écrira plus tard : « …c’est Braque qui fit le premier tableau cubiste. Il rapporta du Midi un paysage qui représentait un village au bord de la mer, vu d’en haut. Pour donner plus d’importance aux toits… il avait continué le dessin des signes qui représentaient ces toits jusqu’en plein ciel, et les avait peints d’un bout à l’autre de ce ciel… » (Transition, 1935). Parallèlement, Picasso à La Rue-des-Bois près de Creil, peint des paysages (Maisonnette dans un jardin) et des portraits, eux aussi indiscutablement cubistes. Au cours de l’hiver 1908 ( « À ce moment là, presque chaque soir, j’allais voir Braque dans son atelier. Il fallait absolument que nous discutions du travail accompli pendant la journée » propos rapportés par F. Gilot), et pendant l’été suivant – Braque à la Roche-Guyon, Picasso à Horta de Ebro- le style du premier cubisme est défini. La palette est sourde, dominée par les bruns, les gris, les verts sombres. Les formes sont rendues en une cristallisation géométrique – qui doit encore beaucoup à Cézanne – d’où tout clair-obscur, tout effet atmosphérique a disparu, mais non pas encore tout effet de profondeur, même si la perspective n’obéit évidemment plus aux règles. À la fin de 1909 et pendant l’année 1910, le Cubisme – où apparaissent les premiers tableaux ovales – évolue vers une fragmentation, une décomposition croissante de la forme : l’objet ou la figure se présente brisé, toutes ses faces déployées. C’est ainsi (dans ce mode que Juan Gris qualifiera d’ « analytique ») que Picasso peint les portraits des trois marchands qui d’un bout à l’autre soutiennent l’entreprise : D. Kahnweiler, A. Vollard et W. Uhde. C’est ce cubisme que défend Apollinaire, écrivant : « ce qui différencie le cubisme de l’ancienne peinture, c’est qu’il n’est pas un art d’imitation, mais un art de conception qui tend à s’élever jusqu’à la création » et ailleurs « je sais bien que le Cubisme est ce qu’il y a de plus élevé aujourd’hui dans l’art français » (L’Intransigeant, 11 octobre 1911). Malgré la difficulté de lecture des toiles de cette époque, elles appartiennent toutes au domaine figuratif et, peut-être pour le manifester plus clairement, apparaissent en 1911 des éléments y ramenant du réel : typographies, d’abord peintes à la main (Picasso, Ma Jolie, 1911) puis au pochoir (Braque, le Portugais, 1911), faux-bois (Braque, Hommage à Jean-Sébastien Bach, hiver 1911-1912). Pour tous ces apports, la formation de peintre-décorateur de Braque a son importance. L’année 1912, outre qu’elle voit naître le premier collage cubiste (Picasso, Nature morte à la chaise cannée) est un tournant essentiel : la couleur apparaît, d’abord tache timide (Picasso, Nature morte espagnole, printemps 1912) puis avec le séjour à Céret avec Juan Gris, de plus en plus structurante. Les plans s’élargissent, la fragmentation se fait moindre, tout effet de profondeur disparaît tandis que se généralise l’emploi du collage. La guerre de 1914 (où Braque sera blessé) marque la fin d’une collaboration peut-être unique dans l’histoire de l’art. Il est moins arbitraire qu’il n’y paraît de mettre à part le parcours de Braque et de Picasso : après les Indépendants de 1909, les deux amis n’exposent plus aux Salons et vivent assez isolés. Ils ne participent donc pas à la fameuse salle 8 du Salon d’Automne de 1911, avec Metzinger, Léger, Le Fauconnier, la Fresnaye, et Gleizes. Gleizes et Metzinger, auteurs de Du Cubisme (1912), sont rarement reçus dans leurs ateliers. Léger, Mondrian, Robert Delaunay, Duchamp et d’autres grands artistes – sculpteurs en particulier comme Laurens, Archipenko ou Duchamp-Villon – d’autres pays – en particulier la Tchécoslovaquie – participent à un moment où à un autre, souvent de façon tangentielle, à l’aventure cubiste, dont l’essentiel se trouve joué en un temps très bref, avec des conséquences incalculables.

Alexandre Archipenko, Georges Braque, Albert Gleizes, Juan Gris, Fernand Léger, Jacques Lipchitz, Jean Metzinger, Pablo Picasso.
*Compotier, bouteille et verre (détail), Georges Braques, 1912

D/

DADA ( mouvement )

Europe, 1916-1922

Le mouvement dadaïste prend ses racines dans la contestation artistique (Futurisme et Expressionnisme) des années précédant la Première Guerre mondiale. L’attitude subversive et la vive réaction anticulturelle qui sont le propre de l’action dadaïste ont longtemps éclipsé aux yeux de la critique traditionnelle l’apport de la création dada. Pourtant, en Europe occidentale, c’est à Dada que l’on doit l’apparition de la poésie phonétique, celle du photogramme et de l’assemblage polymatériel, le développement du photomontage et celui de l’action (le futur happening) élevée au niveau d’un genre artistique autonome. La compréhension du dadaïsme a été obscurcie par l’amalgame dadaïsme-surréalisme qui se produisit longtemps dans l’histoire de l’art façonnée après la Seconde Guerre mondiale, en France et aux États-Unis.
Dada naît à Zurich en 1916. Là ont trouvé refuge, dans la tourmente de la guerre, des peintres, des écrivains et des hommes de théâtre de divers pays. Les idées munichoises, celles d’un art abstrait attaché aux valeurs spirituelles (Hugo Ball), côtoient celles du deuxième stade du futurisme italien. Sur le plan strictement formel, les suites du cubisme synthétique conduisant à l’art abstrait sont déjà entrevues par Arp et Van Rees. À l’instigation de Hugo Ball, les premières soirées subversives ont lieu au Cabaret Voltaire. L’étincelle créatrice apportée par le jeune émigré roumain Tzara permettra l’éclosion du premier groupe dadaïste, dont il apparaît à Zurich comme l’organisateur et le théoricien. Le choix du mot « dada », trouvé au hasard des promenades dans le dictionnaire, symbolise la démarche iconoclaste des jeunes artistes. Adopté de façon aléatoire, ce mot ne signifie rien, mais il désigne cet art à venir, sans référence au monde ancien. Le propre de l’action dadaïste, c’est d’élever la réalité du monde « banal » au niveau de matériau artistique, et ceci dans tous les domaines de l’art, car Dada s’intéresse aussi bien aux arts plastiques qu’à la photographie, à la poésie, à la lumière et au théâtre. Cette revalorisation du matériau, cette démocratisation de l’art, conduisent à l’abolition des genres : les limites entre peinture et sculpture sont abolies, l’art décoratif cesse d’être une catégorie subalterne, de même que disparaissent les frontières entre danse et théâtre, entre musique et poésie. La narration réaliste une fois abolie, la plastique dadaïste, qui tend vers l’art abstrait, dépasse cette catégorie également.

Hans Arp, Hugo Ball, Marcel Duchamp, Max Ernst, George Grosz, Raoul Hausmann, John Heartfield, Hannah Höch, Marcel Janco, Man Ray, Francis Picabia, Hans Richter, Kurt Schwitters, Sophie Taeuber-Arp.
*Cabaret Voltaire, 1916, Zurich

Georges De La Tour (1593–1652)

Ce maître du ténébrisme lorrain est l’un des peintres les plus énigmatiques de l’art français. Ses œuvres sont rares. Tombé dans l’oubli après sa mort, Georges de La Tour (1593–1652) a été redécouvert au début du XXe siècle. Le peintre du XVIIe siècle est depuis mondialement célèbre pour son réalisme intimiste et ses clair-obscurs qui font de lui l’un des continuateurs de la tradition caravagesque. Les scènes, souvent simples et touchantes, misant sur l’expression et le recueillement des personnages, atteignent l’universalité.

Georges de La Tour, Le Tricheur à l’as de carreau
Georges de La Tour, Le Tricheur à l’as de carreau, 1635–1640i

On a dit de lui

« Il fit de la nuit son royaume. » – Pascal Quignard

Sa vie

Né dans une famille de boulangers lorrains, Georges Dumesnil de La Tour n’a pas livré tous ses secrets. Le premier est relatif à son enfance et ses années d’apprentissage. Comment en est-il venu à la peinture ? Nul ne le sait. Les historiens de l’art sont divisés quant à sa rencontre avec le ténébrisme. A-t-il fait le voyage à Rome ? Aux Pays-Bas ? L’influence du Caravage est perceptible dans son travail mais la façon dont le peintre a découvert les œuvres du maître baroque reste à préciser.

Une chose est certaine, Georges de La Tour s’est marié en 1617 et s’est installé à Lunéville, en Lorraine. Dès lors, il acquiert une célébrité locale et répond à des commandes de la noblesse et de la bourgeoisie lorraine, dont il devient lui-même un membre.

La Tour a innové en important, dans la peinture religieuse, des clair-obscurs qui étaient jusqu’ici réservés aux scènes de genre. L’artiste a également traité des thèmes bibliques comme des scènes du quotidien, humanisant les personnages divins et évacuant tout sensationnalisme. Il montre aussi une prédilection pour les scènes éclairées à la bougie, cette lumière artificielle qui donne un sentiment de grande intimité, voire de secret et de mystère.

En 1638, la maison du peintre est détruite par un incendie lors de la guerre de Trente ans. Il rejoint Paris et entre au service du roi. Quelques années plus tard, il retourne à Lunéville et y demeure jusqu’à son décès en 1652, causé par une épidémie.

Ses œuvres clés

Georges de la Tour, La Diseuse de bonne aventure
Georges de la Tour, La Diseuse de bonne aventure, vers 1630i

La Diseuse de bonne aventure, vers 1630

Jeune homme, voulez-vous connaître votre avenir ? L’œuvre de De la Tour illustre de thème de la duperie, dont est victime un jeune noble dépouillé par quatre femmes, certaines à l’allure de gitanes. Tandis que la plus âgée détourne son attention, les trois autres lui dérobent sa bourse et ses effets. Le peintre reprend ici un thème à la mode au XVIIesiècle, et traité avant lui par Le Caravage. Le plan serré, l’éclairage, le travail des matières et des volumes contribuent à faire de ce tableau l’un des chefs-d’œuvre de l’artiste, en dépit de doutes sur son authenticité formulés dans les années 1970, et aujourd’hui dissipés.

Georges de La Tour, Madeleine aux deux flammes
Georges de La Tour, Madeleine aux deux flammes, vers 1640i

Madeleine aux deux flammes, vers 1640

Georges de La Tour transpose dans l’univers du quotidien un sujet tiré de la Bible. Madeleine, pécheresse repentie, médite sur la mort symbolisée par un crâne humain posé sur ses genoux. La figure monumentale est représentée dans un intérieur très simple. Elle s’est dépouillée de ses bijoux pour adopter une posture frustre et recueillie. La chandelle qui brûle et se reflète dans le miroir évoque les deux facettes de sa vie, de la richesse à la pauvreté matérielle. La scène baigne dans une pénombre toute baroque.

Georges de La Tour, Saint Joseph charpentier
Georges de La Tour, Saint Joseph charpentier, vers 1640i

Saint Joseph charpentier, vers 1640

Représenté avec réalisme, Joseph est en bras de chemises, occupé à percer une pièce de bois tandis qu’un jeune enfant l’éclaire à la bougie. Il s’agit, bien sûr, de Jésus. Les deux personnages sont donc immortalisés dans un moment quotidien et intime, bien que la pièce travaillée par Joseph – une croix – préfigure le destin du Christ. Jouant sur l’éclairage et les expressions, La Tour crée des oppositions entre l’inquiétude du vieillard et la pureté de l’enfant, entre la lumière et l’obscurité.

Georges de La Tour, Le Nouveau-né
Georges de La Tour, Le Nouveau-né, vers 1648i

Le Nouveau-né, vers 1648

Cette scène est une nativité qui rassemble la Vierge Marie, l’Enfant Jésus et sainte Anne. Une nouvelle fois, le peintre évacue le symbolisme religieux pour se concentrer sur l’humanité des personnages, traités dans leur univers familier. Comme à son habitude, La Tour imagine un éclairage à la bougie dans un intérieur sombre, créant un clair-obscur saisissant qui met en valeur la carnation des personnages, en particulier la peau diaphane du nouveau-né.


E.

EXPRESSIONISME (mouvement début 20ème )

Mouvement né en Allemagne et en Autriche au début du XXe siècle, l’expressionnisme est une réaction face à la modernité grandissante et aux incertitudes de l’avenir. Incarné par plusieurs groupes d’artistes (Die Brücke, Der Blaue Reiter, l’expressionnisme viennois), il se détache de la représentation réaliste pour exprimer les tensions et les angoisses intérieures, notamment par des couleurs vives, des contours marqués et anguleux, des compositions dynamiques. Opposé à tout académisme, l’expressionnisme est souvent perçu comme une lecture pessimiste et torturée du monde, versant parfois vers la satire sociale.

Gabriele Münter, Maria Marc, Bernhard Koehler senior, Thomas Von Hartmann, Heinrich Campendonk et (assis) Franz Marc, sur le balcon de l’appartement de Vassily Kandinsky et Gabriele Münter à Munich
Gabriele Münter, Maria Marc, Bernhard Koehler senior, Thomas Von Hartmann, Heinrich Campendonk et (assis) Franz Marc, sur le balcon de l’appartement de Vassily Kandinsky et Gabriele Münter à Munich, 1911i

Histoire du mouvement

Le terme d’expressionnisme est formulé pour la première fois vers 1910, davantage en référence aux œuvres de Vincent Van Gogh que d’artistes contemporains. Mais très vite, il prend un sens lié à l’actualité artistique allemande. Le pays connaît une intense activité, tant dans le domaine industriel que culturel. Plusieurs groupes de peintres d’avant-garde se font connaître depuis quelques années en exposant leur vision inquiète du monde, inscrite dans l’héritage du postimpressionnisme, en particulier du fauvisme.

Le premier de ces groupes a pris le nom de Die Brücke (« Le Pont »). Formé en 1905 à Dresde, il se compose d’Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel, Karl Schmidt-Rottluff et Max Pechstein. Ces artistes, inspirés par la philosophie nietzschéenne, développent une esthétique anguleuse, nourrie par une palette proche de celle des fauves. Ces artistes recherchent une émotion nouvelle, basée sur l’exploration de leur intériorité, rejetant les règles académiques (la quête de la beauté, de la juste proportion). Leur style est jugé violent, et le nu (inspiré par le primitivisme) est le sujet de prédilection, sans oublier les scènes de la vie urbaine.

Le second groupe est celui du Blaue Reiter (le « Cavalier bleu »), emmené par Vassily Kandinsky. Formé en 1911 à Munich, il compte parmi ses adeptes Franz Marc, August Macke, Gabriele Münter, Alexej von Jawlensky, Paul Klee et Alfred Kubin. Unis autour de la constitution d’un almanach et d’une série d’expositions, ces peintres conçoivent aussi l’art comme une expression psychologique, émotive, comme peut l’être la musique. La durée d’existence du Blaue Reiter est brève puisque le groupe se dissout avec l’entrée dans la Grande Guerre.

Un autre versant de l’expressionnisme se développe en Autriche, autour du groupe de la Sécession formé par Gustav Klimt. Avec Egon Schiele, les deux artistes réinventent la représentation du corps, jouant sur les poses antinaturelles et complexes, exprimant les conflits intérieurs entre désirs et contraintes.

Comme un certain nombre d’avant-gardes européennes, les courants expressionnistes allemands et viennois exploseront dans le contexte de la Première Guerre mondiale, conflit d’une rare violence. Certains de ces artistes mourront sur le front, non sans avoir, dans un premier temps, jugé la guerre favorable à une renaissance de l’art ou exprimé leurs craintes quant à un avenir incertain dans une Europe en crise.À lire aussi : Marc et Macke, la couleur en liberté

Des œuvres clés

Ernst Ludwig Kirchner, Trois baigneuses
Ernst Ludwig Kirchner, Trois baigneuses, 1913i

Ernst Ludwig Kirchner, Trois baigneuses, 1913

Kirchner, co-fondateur de Die Brücke, s’est installé à Berlin en 1911. La découverte de la métropole inspire une dynamique nouvelle dans son travail. Souvent crues, ses œuvres représentant des nus féminins ne dégageant ni chaleur, ni tendresse. Pour autant, le peintre allemand traite avec une grande modernité ce sujet : sans réalisme, conduit par une quête de liberté, inspiré par l’art dit primitif et le souvenir de Paul Cézanne. Les traits sont simplifiés, la palette de couleurs réduite à l’essentiel, la gestuelle rapide, comme si l’artiste cherchait, avec urgence, à fixer sa vision avant qu’elle ne disparaisse.

Franz Marc, Destin d’animaux
Franz Marc, Destin d’animaux, 1913i

Franz Marc, Destin d’animaux, 1913

Figure clé de l’expressionnisme allemand, Franz Marc se singularise par son goût pour la représentation animalière, en particulier équine. Entre figuration et abstraction, le peintre exprime une lecture symboliste et eschatologique du monde. Cette œuvre célèbre apparaît comme une vision prémonitoire de la guerre, qui va endeuiller l’Europe, mais dont l’artiste était partisan pour donner naissance à une société nouvelle. Engagé sur le front, il meurt en 1916 dans la région de Verdun.

Egon Schiele, Nu masculin assis, vu de dos
Egon Schiele, Nu masculin assis, vu de dos, 1910i

Egon Schiele, Nu masculin assis, vu de dos1910

L’Autrichien, influencé par Gustav Klimt, a marqué l’aventure expressionniste en s’attachant à la représentation du nu, féminin comme masculin. Les corps qu’il peint et dessine sont généralement anguleux et tendus, presque difformes, parfois obscènes, et ramassés dans l’espace contraint de la toile ou de la feuille de papier. Egon Schiele a également multiplié les autoportraits, dans lesquels il se représente, au bord de la folie.


F/

FLUXUS ( Dada > Fluxus – Années 60 )

Flux, courant, énergie, mobilité… Tous ces termes sont les bienvenus pour caractériser Fluxus, un mouvement d’art international et transdisciplinaire émergé à New York dans les années 1960. Fondé sur l’héritage du groupe Dada, de Marcel Duchamp, d’Allan Kaprow et de John Cage, il prône le non-art ou l’anti-art, ce qui signifie l’abolition de la frontière élitiste entre l’art et la vie et entre les différents champs artistiques. Jouant sur la notion de limite (ce qui serait de l’art face à ce n’en serait pas), Fluxus inaugure l’art contemporain.

Histoire du mouvement

George Maciunas, artiste et musicien d’origine lituanienne, est considéré comme l’initiateur de Fluxus en 1962 car il fut l’auteur du manifeste éponyme diffusé en 1963 à New York. Ouvert à toutes les expressions artistiques, à toutes les cultures (principalement les États-Unis, l’Europe et le Japon), Fluxus veut désacraliser l’art, le placer à la portée de tous, valorisant le mode d’action direct et participatif, comme les happenings.

La quête de la beauté n’est pas l’objet de Fluxus, qui rejette même la notion d’œuvre d’art et tout ce qui touche de près ou de loin au monde institutionnel. Fluxus envisage de redonner à l’art une fonction de divertissement. Il ne doit être ni bourgeois, ni ennuyeux ! Le rapport à la réalité s’exprime par le fait plus que par sa représentation. C’est un état d’esprit, une manière d’être et de vivre. L’artiste n’est pas dans l’expression nombriliste de son identité, mais tend à s’effacer au profit du collectif. La création est souvent éphémère, concentrée en un événement.

De nombreuses personnalités ont traversé le mouvement Fluxus, y ont participé, sans pour autant en incarner totalement l’esprit. C’est le cas de Joseph Beuys, ou de Daniel Spoerri dont le nom est davantage rattaché à l’histoire du Nouveau Réalisme. En revanche, d’autres l’incarnent totalement comme George Brecht, artiste conceptuel d’origine américaine qui avait suivi les cours de composition expérimentale de John Cage à la New School for Social Research ; ou Ben Vautier qui a défendu l’esprit Fluxus en France.

Dans les évènements Fluxus, la musique, les beaux-arts, le théâtre et la performance se croisent et se rejoignent. Ils sont de nature « culturelle » au sens large. Parmi les innovations de Fluxus dans les années 1960 : le Mail Art, soit l’art par correspondance. En passant par la poste, les artistes contournent les canaux traditionnels de l’art (musées, galeries). Le mouvement existera jusqu’à la disparition de Maciunas en 1978.

Des œuvres clés

Nam June Paik, Concerto for TV Cello and Videotapes
Nam June Paik, Concerto for TV Cello and Videotapes, 1971i

Nam June Paik, Concerto for TV Cello and Videotapes, 1971

Fondateur de l’art vidéo, musicien, le Coréen Nam June Paik a intégré le motif du poste de télévision dans ses œuvres, personnifiant la notion de flux d’informations. Dans cette performance célèbre, Paik s’est associé à la violoncelliste Charlotte Moorman. Ce fan de John Cage ne fait pas une utilisation traditionnelle du poste de TV mais en détourne les usages et la fonction (par exemple, en les parasitant ou en touchant aux tubes cathodiques), explorant les limites d’un objet devenu populaire.

Ben Vautier, Je signe la vie
Ben Vautier, Je signe la vie, 1972i

Ben Vautier, Je signe la vie, 1972

Célèbre pour ses slogans décalés, Ben a rencontré Maciunas à New York en 1962. S’exprimant à ses débuts sur les murs ou par le Mail Art, il a contribué à l’utopie de Fluxus : mettre l’art à la portée de tous. Selon Ben, l’intérêt des événements Fluxus résidait dans le fait que les artistes ne jouaient pas un rôle mais participaient véritablement, mangeaient, s’amusaient… L’art, c’était leur vie. Ses œuvres posent généralement des questions à ceux qui les regardent, comme des invitations au débat ou à l’introspection.

Takehisa Kosugi, Ben Vautier, George Brecht, Anima 1, Attache de Ben, et Solo for Violin
Takehisa Kosugi, Ben Vautier, George Brecht, Anima 1, Attache de Ben, et Solo for Violin, 23 mai 1964i

Takako Saito, Spielkopf, 1986–1987

Cette artiste japonaise a débuté sa carrière aux côtés de Maciunas. Elle a produit autant de sculptures, performances et livres. Son œuvre se singularise par son côté ludique et humoristique, l’artiste s’étant notamment intéressée au thème du jeu d’échecs. Pour Saito, l’ADN de Fluxus réside dans son caractère imprévisible. « Je ne veux pas que les gens forment un public. Je veux que tout le monde s’implique… que tout le monde participe », résume-t-elle.


G/


H/


F.

Le Fauvisme ( mouvement )

Alors que le fauvisme, comme mouvement artistique, a commencé vers 1900 et s’est poursuivi au-delà de 1910, le mouvement fauviste en tant que tel n’a duré que quelques années, de 1904 à 1908, et a eu trois expositions majeures. Les artistes fauves à la tête du mouvement étaient Henri Matisse et André Derain.

Les peintres fauves réagissent contre les sensations visuelles des impressionnistes et contre un nouveau défi, la photographie.

Ils peignent avec des couleurs brillantes et vives, pures. Ce sont des rouges vifs, des bleus intenses et des jaunes flamboyants par des contrastes violents, un feu d’artifice. Les couleurs sont utilisées en fonction du goût du peintre et non pour représenter la réalité. Elles expriment des émotions et frappent la sensibilité.

« Plutôt que de chercher à reproduire avec exactitude ce que j’ai devant les yeux, j’utilise les couleurs au hasard pour m’exprimer avec plus de vigueur »
Vincent Van Gogh

LE FUTURISME ( mouvement )

Mouvement d’avant-garde italien, le futurisme est contemporain du cubisme français et du constructivisme russe. Fondé en 1909 à l’instigation du poète Filippo Tommaso Marinetti, il a fait de la vie moderne, de la machine mais aussi de la guerre, ses sujets de prédilection. Fortement politisé et virulent, le futurisme réunit Giacomo Balla, Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Luigi Russolo, Gino Severini et Antonio Sant’Elia qui partagent le combat anarchiste et social de Marinetti. Le futurisme italien se prolonge jusqu’en 1944, à la mort du poète, proche de Benito Mussolini.

Luigi Russolo, Carlo Carrà, Filippo Tommaso Marinetti, Umberto Boccioni et Gino Severini à Paris
Luigi Russolo, Carlo Carrà, Filippo Tommaso Marinetti, Umberto Boccioni et Gino Severini à Paris, 1912i

« … notre art est ivre de spontanéité et de puissance. » – Le Manifeste des Peintres futuristes, 1910

Histoire du mouvement

Le futurisme italien est un mouvement qui s’exprime par voix de manifestes, une forme de discours associé aux avant-gardes historiques. Sa naissance n’est pas proclamée en Italie, mais à Paris, le 20 février 1909, par Marinetti dans Le Figaro. C’est le premier mouvement d’avant-garde du XXe siècle. Il affirme un programme, au croisement de l’esthétique et de la politique, dans une époque gagnée par le développement de la publicité et la conquête de l’opinion publique.

Marinetti est un écrivain et poète de langue française et italienne qui souhaite renouveler l’art. Il fédère un groupe d’artistes (Boccioni, Carrà, Russolo, Balla, Severini) qui, dès 1910, signent à Milan un manifeste des peintres futuristes. Il recrute également des poètes, des sculpteurs et des musiciens. En 1912, le groupe organise sa première exposition à Paris, à la galerie Bernheim-Jeune. Les années 1912–1917 constituent l’apogée de la création futuriste.

Le futurisme s’oppose à la tradition et au passé. Il promeut la novation et l’art moderne, en des termes originaux mais aussi très virulents. Marinetti affirme que le « futurisme (…) est la religion du nouveau », valorisant, par exemple, la ville contemporaine et la modernité technologique. Pour les futuristes, le moderne va de pair avec le renoncement à tout passéisme. Non sans provocation, ils disent vouloir se « débarrasser des musées innombrables », détruire les bibliothèques. Une citation de Marinetti est connue pour illustrer cet état d’esprit : « une automobile de course (…) est plus belle que la Victoire de Samothrace », faisant référence à la célèbre sculpture antique.

Le futurisme s’intéresse au mouvement, à la mobilité. Esthétiquement, il privilégie une géométrisation qui évoque parfois le cubisme. Le futurisme promeut le concept de « continuité », c’est-à-dire de « simultanéité », et propose une notion de temps comme expérience intuitive, un flux continu entre passé et présent, inspiré des théories d’Henri Bergson.

Les futuristes établissent une équation entre l’art et la vie, et sont impliqués politiquement. L’artiste doit, selon eux, détenir un pouvoir politique et social. Ils entretiennent une relation forte avec les idéologies révolutionnaires de l’époque.

Marinetti croyait au pouvoir régénérateur de la guerre. Il la pensait nécessaire pour assainir la politique et produire un monde nouveau. Fasciné par l’aviation, le poète s’engage en 1911 comme correspondant aux côtés des troupes italiennes dans la guerre qui oppose son pays à la Turquie. En 1914, Boccioni participe à des actions appelant à l’entrée en guerre de l’Italie. Mais le futurisme se retrouve rapidement en difficulté : Marinetti part sur le front en mai 1915, où il est blessé à deux reprises ; Boccioni meurt en 1916 à l’hôpital de Vérone, après une chute de cheval lors d’exercices militaires ; et Antonio Sant’Elia expire sur le front la même année.

En 1918, le futurisme se politise davantage. Marinetti lance le Manifeste du Parti politique futuriste, proche du Parti nationaliste italien et intègre les faisceaux de combats de Mussolini l’année suivante. Au cours des années 1920 et 1930, il reste proche du fascisme mais le Duce se montre méfiant vis-à-vis du futurisme dont il ne souhaite pas faire l’art officiel du régime. Toutefois, le futurisme des années 1930 reste fidèle – dans sa majorité – à la politique mussolinienne et au culte de son chef. En 1942, deux ans avant sa mort, Marinetti annonce une « nouvelle esthétique guerrière », qui est toujours une quête de puissance et de mécanisation.

Des œuvres clés

Umberto Boccioni, Formes uniques dans la continuité de l’espace
Umberto Boccioni, Formes uniques dans la continuité de l’espace, 1913i

Umberto Boccioni, Formes uniques dans la continuité de l’espace, 1913

Le sculpteur, grand lecteur des théories de Bergson, s’intéresse à l’expression du mouvement dynamique au travers d’un art réputé statique. L’auteur du Manifeste technique de la sculpture futuriste (1912) était sensible à L’Homme qui marche (1907) d’Auguste Rodin, mais trouve sa propre manière d’exprimer la mobilité. Ici, rien de fluide ni de réaliste : le personnage, à l’allure puissante, semble affronter une force contraire. C’est moins le thème du mouvement que celui de l’énergie vitale qui est traité par Boccioni dans cette œuvre marquante du futurisme italien.

Luigi Russolo, Dynamisme d’une automobile
Luigi Russolo, Dynamisme d’une automobile, 1912–1913i

Luigi Russolo, Dynamisme d’une automobile, 1912–1913

L’automobile rugissante est, pour les futuristes, le symbole d’une ère nouvelle, marquée par la modernité et l’effacement des traces du passé. L’automobile semble lancée dans l’espace, de la droite vers la gauche, au moyen d’une propulsion puissante. L’usage du rouge et du jaune traduit la sensation d’échauffement, tandis que des immeubles se dissolvent dans un fond géométrique et abstrait. Russolo fait usage du même principe dynamique d’emboitement des formes dans des œuvres à résonnance politique et révolutionnaire (La Révolte, 1911).

Gino Severini, Canon en action
Gino Severini, Canon en action, 1915i

Gino Severini, Canon en action, 1915

Imaginé d’après les récits lus dans les journaux par Severini, futuriste réformé, ce tableau est exposé à Paris lors de la « Première exposition futuriste d’art plastique de la guerre » organisée par la galerie Boutet de Monvel en 1916. L’artiste y présente sa vision esthétique de la guerre moderne, dominée par les bruits assourdissants et les mouvements incessants des armes, tandis que les soldats semblent relégués à des rôles secondaires. Ce tableau-poème met en image les mots de la guerre, les ordres militaires et les bruits des machines.


La FIGURATION NARRATIVE ( début des années 1960)

Hervé Télémaque, Bernard Rancillac, Eduardo Arroyo, Émile Aillaud, Jacques Monory, Gérard Fromanger… Voici quelques noms attachés à la Figuration narrative, un mouvement pictural né en France au début des années 1960, opposé tant à l’abstraction qu’aux expérimentations des Nouveaux Réalistes. Les membres de la Figuration narrative ne sont liés par aucun manifeste mais partagent un désir commun : le retour à la peinture comme récit, aussi anodin soit-il, aussi engagé puisse-t-il être. Leurs œuvres ont souvent pris un accent esthétique politique et sociétal dans une France bouleversée par la guerre d’Algérie, celle du Vietman et la crise de mai 1968. À chacun de présenter ses mythologies personnelles !

André Morain, Dîner de vernissage de « Mythologies quotidiennes » au restaurant Le Train bleu, à Paris
André Morain, Dîner de vernissage de « Mythologies quotidiennes » au restaurant Le Train bleu, à Paris, juillet 1964i

Histoire du mouvement

L’acte de naissance de la Figuration narrative tient en une date : 1964, année qui voit l’organisation de l’exposition « Mythologies quotidiennes » au musée d’Art moderne de la ville de Paris. Bernard Rancillac et Hervé Télémaque, qui en sont les têtes d’affiche, entendent réagir à l’envahissement de l’espace artistique et culturel par les Américains, le pop art en tête.

Les membres de ce mouvement, qui n’ont jamais été liés par aucun manifeste ou document, ne se désintéressent pas de la vie quotidienne, de la culture populaire et de l’actualité, mais ils entendent l’appréhender autrement que par la dérision (pop art) ou l’évitement (abstraction). Pour eux, l’artiste a un rôle véritable à jouer dans la société. Ce sont des militants, qui entendent bien s’exprimer, même si leur message est mal perçu par le monde de l’art qui les prend pour de « faux blousons noirs » (Pierre Restany). Ils organisent plusieurs expositions de groupe, qui réunissent entre autres Émile Aillaud, Eduardo Arroyo, Henri Cueco, Antonio Recalcati et Gérard Tisserand.

La notion de récit, de narrativité, qui avait été éclipsée dans l’ADN de l’art moderne, revient en force au travers de leurs propositions picturales. Ils adhérent à l’importance de la peinture d’histoire, mais sans le vernis de l’académisme. La peinture et l’histoire ne doivent faire qu’un. Ces artistes sont ainsi particulièrement attentifs aux évènements de mai 1968.

Jacques Monory est sans doute l’un des artistes les plus connus de la Figuration narrative. Passionné de cinéma, il réinvente dans ses toiles sa propre fiction personnelle, en couleur bleue. Unité de lieu, de temps et d’action : chaque œuvre de Monory s’impose comme un plan-séquence qui manifeste une forte tension dramatique. On ne sait pas s’il s’agit de scènes tirées de la vie réelle ou d’un scénario à la Alain Resnais ou Chris Marker. D’abord passé par l’abstraction, Monory est revenu vers la figure en 1962. L’artiste travaille beaucoup à partir de photographies, prises par lui-même ou d’autres, qu’il agrandit et peint, à l’aide d’une couleur monochrome. De cette manière, il brouille les pistes entre la réalité et la fiction, le réel et le rêve, voire le cauchemar ou l’hallucination.

Hervé Télémaque, de culture haïtienne et qui a passé un long séjour aux États-Unis, joue sur une narration décalée, dans laquelle il insère souvent des images issues de la bande dessinée. Ses thèmes de prédilection sont l’exil, les discriminations et les préjugés racistes.

Gérard Fromanger est un peintre de la foule contemporaine, forte ou victime de son anonymat. Il est l’un des fondateurs de l’Atelier populaire ouvert à l’École des Beaux-arts de Paris en 1968, période de trouble pour l’institution. Les affiches produites par cet atelier ont accompagné les luttes des étudiants et des ouvriers. Cet ami d’Alberto Giacometti, de Jean-Luc Godard et de César, a toujours aimé livrer bataille. L’artiste travaille par série, développant dans les années 1960 une peinture à contenu sociologique, qui interroge les combats politiques conduits par les masses populaires.

Des œuvres clés

Eduardo Arroyo, Cavalier espagnol
Eduardo Arroyo, Cavalier espagnol, 1970i

Eduardo Arroyo, Cavalier espagnol, 1970

L’artiste d’origine espagnole s’est installé en France en 1958. Son travail, fort en parodie et en satire, est tout en théâtralité, n’hésitant pas à emprunter ses grands mythes à l’imaginaire populaire. Ici, Arroyo représente un danseur de flamenco, symbole de l’Espagne pittoresque et touristique, travesti en femme, qui n’est pas sans évoquer l’héritage de Francis Picabia. Arroyo a été fortement marqué par le passé fasciste de son pays d’origine, qu’il tourne en dérision. Un réalisme fort, dans la lignée de Francisco de Goya et de Pablo Picasso.

Gérard Fromanger, Le Rouge
Gérard Fromanger, Le Rouge, 1968i

Gérard Fromager, Le Rouge, 1968

Le rouge est la couleur du désir, mais aussi de la révolte et du conflit. Fromanger le sait bien, lui qui est né en 1939, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Cet album de 21 sérigraphies a été réalisé par l’artiste en plein mai 68. Il y interprète certaines photographies d’émeutes populaires. Les personnages non identifiables incarnent l’utopie d’une révolution politique et sociétale auxquels les membres de la Figuration narrative adhéraient. Le rouge devient le symbole de la revendication populaire, non sans lien avec les idéaux militants de l’époque.

Jacques Monory, Meurtre n°10/2
Jacques Monory, Meurtre n°10/2, 1968i

Jacques MonoryMeurtre n° 10/2, 1968

C’est une véritable scène de polar que représente ici Monory, dans cette gamme de bleu hypnotique qui est devenue sa signature. Cette œuvre appartient à une série datant de 1968, alors que le peintre réalisait un projet cinématographique expérimental. Qui est ce personnage paraissant s’échapper de la toile ? Le peintre, le tueur, le témoin ? Monory développe ici le thème du suspens, au cœur du récit et du piège visuel tendu au spectateur.


G.


H.

Hans Holbein le jeune

Grand portraitiste de la Renaissance flamande, Hans Holbein le Jeune (1497/98–1543) était à la fois un admirateur de Léonard de Vinci et de François Clouet. Voyageur européen, il fréquente humanistes et intellectuels et met son talent au service des plus grands mécènes. Holbein, grâce à la vérité de ses portraits, est resté célèbre pour celui d’Érasme, mais aussi du roi d’Angleterre Henri VIII duquel il devient peintre officiel de cour.

Hans Holbein le Jeune, Autoportrait
Hans Holbein le Jeune, Autoportrait, 1542–1543i

On a dit de lui

« Chez ce grand peintre, l’art n’est pas le beau mensonge de la vérité, c’est la vérité à brûle-pourpoint. » – Arsène Houssaye

Sa vie

La vie d’Holbein recèle des mystères dont le premier est sa date de naissance. Les spécialistes hésitent entre 1497 et 1498. Une chose est sûre, cet artiste a vu le jour à Augsbourg, une cité germanique très active. Il est le fils d’un peintre connu, Hans Holbein dit l’Ancien, et d’un oncle peintre également. Son frère, lui aussi, embrassera cette carrière.

Ayant quitté sa ville natale pour Bâle, où il est formé par Hans Herbst, Holbein se fait remarquer par Érasme qui lui demande d’illustrer son livre satirique Éloge de la folie (1511). Ce philosophe et humaniste néerlandais, auteur d’essais et de satires, était une figure influente de la vie culturelle européenne.

Comme d’autres peintres flamands de son époque, Holbein s’est déplacé en Italie, ce qui lui donne l’occasion de découvrir les grands maîtres contemporains, en particulier Léonard de Vinci. Nous sommes en 1518 et le jeune homme a à peine 20 ans. Durant son absence, son frère ouvre un atelier à Bâle, qu’Holbein reprend en 1519. Il s’installe et se marie dans cette ville.

Le peintre s’illustre dans l’art du portrait et se rend célèbre en réalisant celui d’Érasme. En ce domaine, il est inspiré par des primitifs français, en particulier Jean Clouet qu’il découvre à l’occasion d’un séjour dans le royaume. Holbein le voyageur, qui craint les troubles engendrés par la Réforme dans sa ville de Bâle, décide de gagner pour quelques mois l’Angleterre.

Dans les années 1530, l’artiste est de nouveau à Londres et se voit commander de nombreux portraits pour des souverains européens et des ambassadeurs. Grâce à son talent et sa réputation, Holbein est nommé peintre du roi d’Angleterre, Henri VIII. À ce titre, il peint des portraits de la cour et réalise des travaux décoratifs. Il devient riche et puissant. C’est à Londres qu’Holbein, atteint de la peste, finit ses jours. Le portraitiste le plus célèbre de l’Angleterre de la première moitié du XVIe siècle n’avait que 45 ans !

Ses œuvres clés

Hans Holbein le Jeune, Le Christ mort
Hans Holbein le Jeune, Le Christ mort, 1521i

Le Christ mort, 1521

Considéré comme une œuvre majeure d’Holbein, en raison de la crudité de son réalisme, le Christ mort est une représentation pathétique. Le corps est allongé, fixé dans sa rigidité cadavérique, sans aucun effet d’idéalisation. La bouche comme les yeux sont ouverts, les doigts crispés. Tout est à l’œuvre pour susciter l’effroi du spectateur. Les spécialistes se sont divisés quant à son interprétation : cette image témoigne-t-elle de l’impiété du peintre, ou au contraire de sa volonté de représenter le moment précédant de peu la Résurrection ? Quoiqu’il en soit, Holbein s’inscrit dans la poursuite d’une esthétique allemande propre au gothique tardif, tout comme Matthias Grünewald dont il se serait probablement inspiré.

Hans Holbein le Jeune, Érasme écrivant
Hans Holbein le Jeune, Érasme écrivant, 1523i

Érasme écrivant, 1523

Holbein aurait peint trois portraits de l’humaniste Érasme. Ici, il est représenté de profil, concentré, écrivant sur un parchemin. Placé dans un intérieur, l’intellectuel au travail se découpe sur un fond de tapisserie vert sombre. Pleine de sobriété, cette composition rappelle les portraits en médaille des empereurs romains. Érasme prenait très au sérieux la diffusion de son image. Ce portrait était sans doute destiné à un autre humaniste, peut-être l’Anglais Thomas More.

Hans Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs
Hans Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs, 1533i

Les Ambassadeurs, 1533

La composition associe ainsi deux représentants, l’un du pouvoir politique, l’autre du pouvoir religieux : à gauche, l’ambassadeur de France en Angleterre, richement vêtu, à droite, l’un de ses amis évêques, vêtu de noir. Différents attributs symbolisent les arts et la connaissance, notamment l’astronomie et l’arithmétique. Holbein fait aussi figurer une anamorphose au premier plan : regardé sous un certain point de vue, il représente en réalité un crâne, une vanité…

David Hockney ( 1937-)

Mondialement connu pour ses Pool Paintings et surtout son Bigger Splash (1967), David Hockney (1937 – ) produit depuis les années 1950 une œuvre solaire et hédoniste à la croisée du pop art et de l’hyperréalisme. L’artiste anglais puise son inspiration aussi bien chez Vermeer, Fra Angelico que Matisse ou Picasso. Intéressé par tous les procédés de fabrication de l’image, il n’hésite pas à utiliser la technologie (fax, photocopieur ou iPad…) et à jouer de la perspective pour renouveler sa peinture. Il a également publié plusieurs ouvrages théoriques notamment sur la technique des maîtres anciens. C’est un des plus grands artistes figuratifs vivants.

Bern Schwartz, David Hockney devant l’œuvre « My Parents »
Bern Schwartz, David Hockney devant l’œuvre « My Parents », 1977i

Il a dit

« À partir du moment où vous trichez par égard pour la beauté, vous savez que vous êtes un artiste. »

Sa vie

David Hockney est né en 1937 à Bradford, dans une famille modeste de cinq enfants. Dans cette ville industrielle du nord de l’Angleterre, il étudie les Beaux-Arts entre 1953 et 1956, avant d’intégrer le prestigieux Royal College of Art de Londres en 1959. Il est profondément marqué par la rétrospective Picasso, présentée à la Tate Gallery durant l’été 1960. « Picasso pouvait maîtriser tous les styles. La leçon que j’en tire, c’est que l’on doit les utiliser tous », en conclut-il.

En 1964, il quitte son Angleterre grise et puritaine, où l’homosexualité est encore illégale, pour le soleil de la Californie. Sa peinture s’imprègne de la lumière éblouissante de Los Angeles et de son mode de vie hédoniste. Hockney devient le chroniqueur de cette vie cool – un des mots-clés de l’époque. Il troque la peinture à l’huile et les pinceaux pour l’acrylique et le rouleau, et réalise, dès son arrivée, plusieurs tableaux inspirés du magazine homo-érotique Physique Pictorial. La série des Pool Paintings fera ensuite sa célébrité.

À partir de 1968, Hockney se lance dans une série magistrale de doubles portraits inspirés de ses proches, affirmant sa constante fascination pour la nature humaine. Ces œuvres sont également hantées par les maîtres qu’il admire : Vermeer, Balthus ou Hopper. Très vite, le sujet essentiel devient la relation psychologique qui unit les protagonistes.

Au début des années 1970, Hockney se retrouve, de son propre aveu, dans une impasse artistique et cherche un nouveau souffle. Il renoue avec la photographie, à laquelle il s’intéresse depuis les années 1960, et crée des « joiners », assemblage d’une multitude de clichés pris selon différents points de vue. Il réinterprète ainsi les leçons cubistes de Picasso, et compose des portraits ou des paysages réalisés à l’aide d’un appareil Polaroïd.

Hockney approfondit sa réflexion sur la perspective classique et les moyens de s’en affranchir. Il intègre, au début des années 1980, la « perspective inversée » dans des paysages enveloppants : le point de fuite est derrière le spectateur et tout le tableau converge vers lui. S’inspirant des rouleaux de la peinture chinoise, l’artiste recrée les impressions successives d’un spectateur en mouvement. Le tableau synthétise alors l’ensemble de ces sensations.

En 1986, le peintre anglais décide d’utiliser une photocopieuse couleur laser. Il tente ainsi de lutter contre l’idée absurde de l’obsolescence supposée de la peinture, s’emparant des nouvelles technologies pour les mettre au service de son art. Il poursuit avec le fax (1989), l’ordinateur (1990), la palette graphique (2008), l’iPhone (2010), l’iPad (2011), et plus récemment la caméra haute résolution.À lire aussi : David Hockney addict aux technologies

Ses œuvres clés

David Hockney, A Bigger Splash
David Hockney, A Bigger Splash, 1967i

A Bigger Splash,  1967

Sans doute son œuvre la plus iconique. Hockney livre ici une vision idéale de la Californie de la fin des années 1960. L’image s’inspire d’une publicité vue dans un magazine consacrée aux piscines…D’une grande rigueur géométrique, que seul le splash vient troubler, l’image confine à l’abstraction. Le plongeoir jaune du premier plan donne toutefois l’idée de profondeur. Le tableau est bordé d’un cadre clair à la manière d’un Polaroïd que l’artiste commence alors à utiliser.

Portrait d’un artiste (Piscine avec deux personnages)
Portrait d’un artiste (Piscine avec deux personnages), 1972i

Portrait d’un artiste (Piscine avec deux personnages), 1972

Ce tableau profondément sentimental, Hockney le peint peu avant sa rupture avec Peter Schlesinger. Ce dernier regarde un jeune homme en train de nager : l’artiste donne à son amant la place qu’il se réserve habituellement. L’œuvre est née de deux photographies prises par Hockney, l’une d’un nageur dans une piscine, l’autre de Peter, immobile, fixant le sol. Après une première version en 1971, qu’il abandonne, il revient à son sujet après une nouvelle série de photographies prises par le réalisateur Tony Richardson lors d’un séjour en France, qui lui permet de trouver une solution à son problème de perspective.

4 Pearlblossom Hwy, 11-18th April 1986, #1
4 Pearlblossom Hwy, 11–18th April 1986, #1, 1986i

Pearblossom Hwy., 11–18th April 1986, #1, 1986

« J’ai réalisé Pearblossom Hwy, lorsque Vanity Fair m’a demandé d’illustrer un article de mon ami Gregor Von Rezzori retraçant le voyage de Humbert Humbert à la recherche de Lolita. C’est mon dernier photocollage et, sans aucun doute, le plus pictural de tous ceux que j’ai exécutés. Il m’a fallu neuf jours pour prendre les photographies et deux semaines pour les assembler. Je le considère comme ma réponse panoramique à la perspective orientée vers un point unique. » Hockney a retenu ici la leçon du cubisme selon laquelle l’œil ne peut saisir un point focal unique.

David Hockney, Henry Geldzahler and Christopher Scott
David Hockney, Henry Geldzahler and Christopher Scott, 1969i

Henry Geldzahler and Christopher Scott, 1969

En 1968, Hockney se lance dans une série de doubles portraits de ses proches (amis, parents, collectionneurs…). Ces œuvres portent l’empreinte des maîtres qu’il admire : Vermeer, Balthus, Hopper… Ici, il représente assis Henry Geldzahler, historien et commissaire d’exposition, avec son petit ami Christopher Scott.

David Hockney, Garden
David Hockney, Garden, 2015–2016i

Garden,  2015–2016

Dans une palette vive et lumineuse, Hockney peint sur le motif. Ici, son jardin de Santa Monica, depuis sa terrasse à la végétation luxuriante, qui n’est pas sans rappeler Matisse.


I.

IMPRESSIONISME ( mouvement 1873-1886 )

L’impressionnisme serait né en 1873 grâce à Claude Monet, auteur d’Impression, soleil levant, l’œuvre manifeste de cette esthétique de la rapidité et du flou. L’historien de l’art Richard Brettell a cependant souligné la polymorphie de l’impressionnisme : certaines œuvres sont certes des impressions, comme la toile de Monet (une peinture rapide, performative), mais la plupart des artistes (RenoirDegasCaillebottePissarroMorisot…) et des toiles attachées à ce mouvement se caractérisent plutôt par leur goût pour des sujets réalistes ou de plein-air, empruntés à la vie moderne (comme la foule).

« Un matin, l’un de nous manquant de noir, se servit de bleu : l’impressionnisme était né. » Auguste Renoir

Claude Monet, Impression, soleil levant
Claude Monet, Impression, soleil levant, 1872i

À lire aussi : La collection très particulière de Claude Monet

Son histoire, ses idées clés

L’impressionnisme est à la fois une esthétique et un mouvement. Sur le plan esthétique, il célèbre la modernité et le plein-air, la notation rapide, les couleurs vives. Sur le plan sociologique, il renvoie à un groupe d’artistes ayant choisi d’exposer en marge du Salon officiel entre 1874 et 1886. Ce groupe se compose principalement de Monet, Renoir, Degas, Pissarro, Caillebotte, Morisot, Cassatt…

En 1874, la première exposition du groupe a lieu dans les locaux du photographe Nadar, sur le boulevard des Italiens, à Paris. Monet y présente Impression, soleil levant, manifeste de l’esthétique de la rapidité. L’œuvre fait sensation, la critique se déchaîne face à ces artistes considérés comme des barbouilleurs. L’impressionnisme (nom tiré de l’invention d’un critique d’art) est né !

Le groupe est assez hétérogène, entre le paysagisme de Monet et les œuvres réalistes de facture plus classique de Degas et Caillebotte. Les artistes entretiennent cependant de bonnes relations. Caillebotte, qui vient d’une famille aisée, aide ses amis en achetant des toiles et en finançant certaines expositions du groupe.

L’impressionnisme n’aurait pas pu survivre sans l’aide d’un marchand : Paul Durand-Ruel. Ce dernier prend certains artistes sous son aile, notamment Monet. Beaucoup d’entre eux sont dans la misère car les toiles impressionnistes sont boudées par le public parisien. Durand-Ruel exporte l’impressionnisme aux États-Unis, où il rallie tous les suffrages.

Après 1886, le groupe est considérablement délité, chacun des peintres s’étant concentré sur sa carrière personnelle. Une nouvelle génération arrive sur la scène publique, celle des néo-impressionnistes. Pour autant, l’impressionnisme n’est pas mort : il se réinvente. Monet continue à produire d’importantes séries, tandis que Renoir renoue avec le genre du portrait classique.

Portraits impressionnistes

Auguste Renoir, Portrait de Claude Monet
Auguste Renoir, Portrait de Claude Monet, 1875i

Auguste Renoir, Portrait de Claude Monet, 1875

Le peintre Monet pose ici devant son ami Renoir d’une manière très naturelle. L’artiste se trouve en intérieur, preuve qu’il ne travaillait pas uniquement en plein-air. Cependant, un laurier se détache derrière sa tête, comme si son ami cherchait à le couronner ! La touche de Renoir donne un aspect vibrant au modèle, plein de vie. La toile fut exposée lors de la deuxième exposition du groupe des impressionnistes, en 1876.

Auguste Renoir assis dans l’un de ses ateliers
Auguste Renoir assis dans l’un de ses ateliers, 1912i

Auguste Renoir assis dans l’un de ses ateliers, 1912

Cette photographie représente Renoir dans la vieillesse, alors que le peintre, très amaigri, souffrait cruellement d’une polyarthrite. Renoir fut très handicapé par cette pathologie, mais il ne renonça pas à peindre, faisant attacher son pinceau au bout de ses mains. Ces portraits de Renoir inspirèrent Picasso, qui le considérait comme un grand maître.

Gustave Caillebotte, Autoportrait
Gustave Caillebotte, Autoportrait, Vers 1892i

Gustave Caillebotte, Autoportrait, 1892

Le peintre Gustave Caillebotte s’est ici auto-portraituré, en fixant son regard dans un miroir. Le rendu est très naturel, et la touche assez esquissée. Cet artiste, l’un des plus riches du groupe des impressionnistes, fut un soutien constant pour ses amis moins fortunés que lui. De tempérament plus classique, Caillebotte fut souvent considéré à la frontière de l’impressionnisme, plus proche du réalisme de Degas. Mort précocement en 1894, il légua sa collection à l’État, ce qui donna lieu à un débat sur l’entrée massive des impressionnistes dans les collections nationales.

Maurice Denis, Portrait de Degas
Maurice Denis, Portrait de Degas, 1906i

Maurice Denis, Portrait de Degas, 1906

Le peintre Maurice Denis livre ici le portrait de Degas, sans doute l’artiste le plus atypique des impressionnistes. En effet, bien que Degas ait participé à presque toutes les expositions du groupe, il récusait le nom d’impressionniste et se présentait comme un réaliste et un indépendant. Resté dans la mémoire collective comme le « peintre des danseuses », il fut un observateur attentif, parfois féroce, de la vie contemporaine.


J.


K.


K.

Yves Klein

Yves Klein, né à Nice le 28 avril 1928, mort à Paris le 6 juin 1962, est un artiste français. En 1954, il se tourne définitivement vers l’art et entame son « Aventure monochrome ».
Animé par l’idée consistant à « libérer la couleur de la prison de la ligne », Yves Klein se tourne vers la monochromie car c’est pour lui la seule manière de peindre permettant de « voir ce que l’absolu avait de visible ».

L.

Sol Lewitt

(1928, Hartford, Connecticut – 2007, New York)
Artiste américain, protagoniste essentiel du Minimal Art. Il additionne des éléments de base, carrés ou cubes constituant des structures modulaires qui permettent d’appréhender leurs ensembles comme procédant d’un concept générateur, ou des œuvres sérielles à permutations qui visent à substituer l’esthétique de la quantité à celle de la qualité, jugée non pertinente dans le contexte des années soixante. Dans de telles sculptures, il s’agit non d’élaborer un espace de perception, mais de projeter dans un espace donné la notion d’organisation en tant que telle, et de décliner les possibilités de variations d’une forme. Même si certaines pièces atteignent une échelle impressionnante (grandes structures de la place Hammarskjöld, New York), l’essentiel de l’œuvre réside dans son idée, son concept. Le projet est dissocié de la réalisation, que LeWitt confie volontiers à des exécutants – principe repris dans les Wall Drawings (dessins muraux au graphite). En dépit du caractère résolument littéral et positif d’un tel travail, il existe chez LeWitt une tendance « idéaliste », dans l’affirmation, renforcée par l’emploi du blanc, de la géométrie comme forme vraie d’un ordre éternel. Ses œuvres les plus récentes, d’une géométrie moins stricte, déploient sur des paravents ou sur des murs un éventail de couleurs ordonnées où s’affirme, de façon presque paradoxale, un caractère décoratif. Un certain lyrisme s’affirme ainsi comme l’aboutissement possible du parti pris minimaliste, que LeWitt assume en prêtant la plus grande attention aux lieux d’exposition : la fresque est conçue pour en exalter les variations de lumière, de dimensions, de matières. Le travail de LeWitt, qui impliquait initialement son autorégulation autonome, établit désormais de subtiles relations avec la réalité dans laquelle il vient s’insérer.


M.

. Magritte René

« Tout dans mes œuvres est issu du sentiment de certitude que nous appartenons, en fait, à un univers énigmatique. »

Peintre d’origine belge, associé au surréalisme, René Magritte (1898-1967) est le maître des énigmes. Connu pour ses toiles qui fonctionnent comme des rébus ou des métaphores, il met en évidence, avec humour et poésie, notre difficulté à faire coïncider la réalité du monde avec nos images mentales, en somme ce qui compose l’esprit humain. Magritte a développé un véritable alphabet pictural en usant de motifs récurrents : la pomme, l’oiseau, l’homme au chapeau melon, les corps morcelés… Ses images sont souvent cachées derrière ou dans d’autres images, alliant deux niveaux de lecture possibles, le visible et l’invisible.

. MESSAGER Annette

(1943, Berck)
Artiste française. Elle recourt aussi bien à la broderie (de dictons machistes) ou à la taxidermie (moineaux emmitouflés dans de petits tricots, 1972) qu’au dessin et surtout à la manipulation de photographies par déchirures, ratures, addition d’encre, de peinture, etc. Elle commence par décliner, en albums de collection et pseudo-feuilletons, une imagerie et une thématique issues de la publicité, du cinéma commercial et de la presse à grand tirage. Démarquant et illustrant avec ironie et tendresse les poncifs de la condition et de l’imaginaire féminins, ses premières œuvres réhabilitent ainsi le pittoresque, les micro-événements et les postures sentimentales. Dans les années quatre-vingt, ses Chimères, Effigies et Trophées élaborent une cosmogonie fantastique teintée d’érotisme, qui se développe sur les murs en monstres et signes d’agressivité – chauves-souris, bouches dentées, ciseaux menaçants -, issus de photographies fragmentées d’anatomies. Ses pièces récentes, qui associent (par exemple) accrochage cumulatif de photographies, animaux en peluche et répétition d’un terme à résonance morale, participent encore davantage d’un exorcisme incantatoire.

Annette Messager

Matisse Henri

Mondrian Piet

(1872, Amersfoort – 1944, New York)
Peintre hollandais, l’un des pionniers de l’abstraction. Il est d’abord enseignant en dessin, mais reprend de 1892 à 1897 ses études aux Beaux-Arts d’Amsterdam. Il effectue de brefs voyages en Europe, revenant rapidement peindre les paysages proches d’Amsterdam. Dans les premières années du siècle, il expérimente, en fonction de ses amitiés et des expositions qu’il visite, diverses techniques : si vers 1907, l’influence de Van Gogh est assez nette, dès l’année suivante sa palette est plus claire et il utilise les théories divisionnistes. Il exécute des variations chromatiques sur le thème de l’arbre (l’Arbre rouge, 1908-1910, l’Arbre bleu, 1909-1910), peint les dunes, l’Église à Domburg (1909-1910) aux couleurs simplifiées. En 1910-1911, le triptyque Évolution indique son appartenance (depuis 1909) à la société théosophique hollandaise, dont la réflexion l’aidera jusqu’en 1916, avant d’être dépassée par sa foi en l’art lui-même, qui absorbera toute autre préoccupation. En 1911, il participe au Stedelijk Museum à la première exposition du Cercle d’art moderne, fondé l’année précédente avec Toorop, J. Sluyters et Kickert, et au Salon des Indépendants de Paris, où il se rend à la fin de l’année. Son travail évolue alors rapidement sous l’influence du cubisme. Partant toujours d’un motif emprunté à la nature, Mondrian le dématérialise progressivement pour aboutir à des compositions où dominent l’horizontale et la verticale : dès 1913, l’abstraction est presque totale (Composition dans l’Ovale) et ce n’est que très fugitivement qu’une forme rappelle le prétexte visuel (Composition n°9, la Façade bleue, 1913-1914). En juillet 1914, appelé au chevet de son père malade, Mondrian retourne en Hollande, où il est obligé de rester jusqu’à la fin des hostilités, mais où il fait la connaissance de Van Doesburg. C’est là qu’il accède, après la rencontre de Van der Leck, à un « style exact », constitué de droites et d’aplats de couleurs pures : il met au point la théorie du néo-plasticisme dont la revue De Stijl, fondée en 1917, devient le principal organe de diffusion. Mondrian y publie de longs articles, parfois sous forme de dialogue philosophique, comme Réalité naturelle et réalité abstraite (paru dans onze numéros successifs en 1919-1920). En 1917, il élabore ses Compositions avec plans de couleurs : sur un fond uni, des rectangles et carrés colorés sont disposés de façon à détruire toute illusion de volume et de profondeur. De retour à Paris en 1919, il fait paraître l’année suivante, chez L. Rosenberg, sa brochure Le Néo-Plasticisme, dédiée « aux hommes futurs ». Dès 1923, une exposition du groupe De Stijl est organisée chez le même marchand, mais sans succès. Pour vivre, Mondrian doit à cette époque exécuter de petits tableaux de fleurs qui trouvent aisément preneur en Hollande. Mais son atelier commence à être visité par les artistes (Vantongerloo, Seuphor). En désaccord avec Van Doesburg, Mondrian quitte De Stijl en 1924. Les œuvres qu’il réalise dans les années suivantes sont appelées à devenir les archétypes du néo-plasticisme : la surface est divisée inégalement par une verticale et une horizontale noire et, en général, un seul des quatre secteurs est à nouveau morcelé ; les formes ainsi déterminées sont peintes de couleurs primaires. Des variantes sont progressivement introduites : réduction et rejet des surfaces colorées à la périphérie, épaisseur plus ou moins marquée des lignes noires. L’œuvre commence à se diffuser internationalement, notamment grâce aux achats de K. Dreier, à la présence de deux tableaux dans le « Cabinet des abstraits  » conçu par El Lissitzky pour le musée de Hanovre. En 1929, Mondrian réalise un unique Tableau-Poème avec un texte de Seuphor. En 1931, le travail sur les lignes noires aboutit au tableau le plus radical : deux lignes d’épaisseur différente se croisent dans le coin gauche, en bas de la toile. Bien que discret, Mondrian devient un personnage éminent des groupes Cercle et Carré puis Abstraction-Création. Des disciples commencent à se manifester (Gorin), et son influence ne cesse de croître. L’atelier de la rue du Départ accueille Moholy-Nagy, Gropius, Freundlich, J. Peeters, Gabo, Nicholson, Stazewski. Préoccupé uniquement par la progression de son travail, il refuse de se marier, vit modestement (en 1936, il reçoit encore une allocation de « chômeur intellectuel ») et s’attache seulement à faire que chaque œuvre constitue un « pas de plus en avant ». En 1938, craignant la guerre, Mondrian part pour Londres, où son atelier est proche de ceux de Gabo et Nicholson. Sur les toiles, les lignes se multiplient (Trafalgar Square, Place de la Concorde, achevées en 1943). Les bombardements l’obligent à gagner New York en 1940. Il y retrouve F. Glarner, mais aussi tous les artistes européens en exil (Léger, Ernst, Chagall, Dalí, Breton…). Membre de l’A.A.A., il rédige à son intention l’article A new Realism ; proche de P. Guggenheim, il est le premier à lui signaler l’intérêt des toiles de Pollock. C’est en avril 1941 que les lignes noires, sur les toiles, font place à des lignes de couleurs (New York City I, 1941-1942). Puis les surfaces colorées se multiplient, constituant à elles seules la grille de la composition (Broadway Boogie Woogie, 1942-1943). « Je me rends compte seulement maintenant », écrit-il alors à J.J. Sweeney, « que mon travail en noir et blanc avec des petits plans de couleurs a été seulement du dessin en peinture à l’huile ». Lorsqu’il meurt, il laisse inachevées un certain nombre de compositions, dont Victory Boogie Woogie, tableau « losangique » (un carré sur un sommet) qui renoue avec un format utilisé dans les années vingt, mais ne présente en fait de lignes que des juxtapositions de carrés colorés. Jusqu’à la fin d’un travail conçu comme un cheminement spirituel, Mondrian démontre que les potentialités du néo-plasticisme sont loin d’être épuisées.

MINIMALISME ( mouvement )

Force des lignes abstraites, monochromie, économie des moyens : l’art minimal peut donner l’impression que l’artiste n’est que peu intervenu. Pour autant, ce n’est pas une expression simpliste, mais basée sur la géométrie et l’utilisation optimisée de l’espace. Less is more ! L’art minimal, proche de l’art conceptuel, est une invention américaine des années 1960. En réaction contre l’expressionnisme abstrait et le pop art, Donald Judd, Sol Lewitt et quelques autres ont réalisé des objets spécifiques, ni véritablement peinture, ni véritablement sculptures à la présence magnétique, parfois proches du design.

Carl Andre, « Copper Blue Vein, New York, 1990 » ; Au centre : Dan Flavin, « Untitled », 1975 ; à droite: Robert Mangold, « Red/green X within X #2 », 1982 ; à gauche : Sol LeWitt, « Wall Drawing # 1176 »
Carl Andre, « Copper Blue Vein, New York, 1990 » ; Au centre : Dan Flavin, « Untitled », 1975 ; à droite: Robert Mangold, « Red/green X within X #2 », 1982 ; à gauche : Sol LeWitt, « Wall Drawing # 1176 »i

Histoire du mouvement

On peut légitimement se demander comment définir une œuvre d’art à partir de 1965, après l’affirmation radicale de l’Américain Donald Judd selon laquelle le meilleur de la création contemporaine n’est plus dans la sculpture ni dans la peinture. L’artiste propose de créer des « objets spécifiques ». Il les inscrit dans l’espace réel, jouant avec le mur, sans socle, et utilise souvent des matériaux industriels comme l’acier et le plexiglas. Bien que minimales, ses interventions sont visuellement puissantes.

Les artistes minimalistes sont les héritiers de la pensée moderniste, en particulier celle du Bauhaus. Ils sont donc influencés par l’art abstrait européen, Kazimir MalevitchConstantin Brancusi mais aussi Marcel Duchamp. Les artistes rejettent toute émotion, toute intervention visible de la main de l’artiste, tout sentimentalisme. Les minimalistes misent sur la géométrie, et l’usage de couleurs fondamentales et limitées.

Dan Flavin est un pilier du mouvement. L’Américain travaille avec des néons, ces tubes de couleurs lumineux qu’il agence dans l’espace. Sa première œuvre importante date de 1963, elle est dédiée à Brancusi. Ses sculptures et installations peuvent être définies comme de véritables structures, qu’il conçoit pour des espaces spécifiques. Chaque œuvre est une expérience sensorielle pour le spectateur.

Carl Andre, qui s’oppose pour sa part au tout conceptuel, a réintroduit des problématiques sculpturales. Le sculpteur minimaliste développe un travail sur l’horizontalité et le sol, proposant d’aboutir ou de poursuivre une démarche débutée par Brancusi : « Je ne fais que poser la Colonne sans fin de Brancusi à même le sol au lieu de la dresser vers le ciel ». En 1967, Carl Andre réalise pour la première fois dans l’histoire de l’art une sculpture plane composée de plaques de métal juxtaposées, formant comme un tapis au sol. La sculpture est devenue un lieu.

Le minimalisme américain compte aussi un certain nombre de peintres, en particulier Frank Stella, géométrique abstrait. Il est d’ailleurs considéré comme l’initiateur du mouvement en 1959. Il expose des Black Paintings qui doivent beaucoup à l’influence de Malevitch. Ses œuvres, bien que mal reçues, ont mis en avant quelques concepts chers aux minimalistes : abstraction, simplicité, rejet de l’illusionnisme. Avec lui, on peut compter parmi les minimalistes Ad Reinhard et ses peintures totalement noires et planes, mais aussi Richard Serra, célèbre pour ses sculptures en acier monumentales qui jouent sur le contraste entre la puissance du matériau et l’instabilité de leur mise en scène.

Des œuvres clés

Donald Judd, Stack
Donald Judd, Stack, 1972i

Donald Judd, Stack, 1972

Suite de boîtes de fer empilées régulièrement sur un mur, cet « objet spécifique » de Donald Judd illustre à merveille l’art minimal. L’œuvre d’art ne délivre aucun récit, aucun symbole, elle existe simplement dans l’espace. Ici, les formes métalliques sont disposées selon une ordonnance géométrique parfaite. L’artiste utilise le principe de la répétition, souvent à l’œuvre dans le minimalisme.

Dan Flavin, Untitled (To Donna 5a)
Dan Flavin, Untitled (To Donna 5a), 1971i

Dan Flavin, Untitled (To Donna 5a), 1971

Peintre qui a d’abord entouré ses toiles d’ampoules (qu’il appelait « icônes »), Dan Flavin a, dès 1963, l’idée d’utiliser des néons pour réaliser des installations tout aussi iconiques. Ceux-ci deviennent sa signature. En quête d’une forme de transcendance par la lumière, il dispose ces objets lumineux dans l’espace selon des structures géométriques, à même le sol, créant des environnements, des situations nouvelles pour le spectateur.

Frank Stella, Agbatana II
Frank Stella, Agbatana II, 1968i

Frank StellaAgbatana II1968

D’abord attiré par le noir, qualifié de non-couleur, Frank Stella réintroduit une palette plus large de couleurs au cours des années 1960. L’artiste, qui travaille à des œuvres murales et planes, joue avec des formes assez excentriques. Il n’a jamais eu d’attirance pour les expressions figuratives, et fut un temps versé dans l’expressionnisme abstrait. Ici, son œuvre adopte des formes circulaires et concentriques, très décoratives.

Carl Andre, Copper-Zinc Plain
Carl Andre, Copper-Zinc Plain, 1969i

Carl Andre, Copper-Zinc Plain, 1969 

Le sculpteur travaille avec des matériaux bruts qu’il place dans l’espace. Il est connu pour ses sculptures à même le sol, comme des unités mobiles sur lesquelles le spectateur peut marcher sans les modifier. Carl Andre s’inscrit dans la longue tradition de l’histoire de l’art : « Quitte à paraître complètement fou, je vois mon travail dans la lignée de Brancusi, Rodin, Bernin, Michel-Ange et encore en amont d’eux », aimait-il dire.

N.

O.


P.

POP ART

Le pop art (popular art) est un mouvement artistique éclos après la Seconde Guerre mondiale en Angleterre. Il s’étend rapidement aux États-Unis, dont la société est fortement influencée par l’essor du consumérisme. Ses sujets et ses matériaux sont empruntés au quotidien, à la culture populaire et urbaine (publicité, cinéma, bande dessinée). Bien qu’il soit réputé « facile », le pop art se montre volontiers provocateur, voire politique, et tend à désacraliser l’œuvre d’art en la rendant accessible à tous. Très souvent, les artistes se sont emparés de moyens de production réservés à l’industrie (sérigraphie, peinture acrylique). Andy Warhol fut sa figure de proue, mais le pop art compte aussi dans ses rangs Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, Jasper Johns, James Rosenquist, et jusqu’à Jean-Michel Basquiat et Jeff Koons… Les artistes pop n’ont pas ignoré l’histoire de l’art ni les avant-gardes occidentales (Dada, surréalisme, Marcel Duchamp…) ; Warhol a d’ailleurs suivi les traces de Duchamp en redéfinissant le statut de l’artiste : « C’est un emploi comme les autres », disait-il, non sans ironie. Le pop art coïncide aussi avec une starisation certaine de la figure de l’artiste : « À l’avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale », soit une célébrité bien fugace, prophétisait Warhol à la fin des années 1960.

« L’art, c’est déjà de la publicité. La Joconde aurait pu servir de support à une marque de chocolat, à Coca-Cola ou à tout autre chose. » Andy Warhol

James Rosenquist, I love you with my Ford
James Rosenquist, I love you with my Ford, 1961i

Son histoire, ses idées clés

Le pop art serait né en Angleterre dans les années 1950, si l’on s’en tient à sa naissance néologique, sous la plume du critique Lawrence Alloway. Il est un héritage de l’Independent Group, qui compte notamment Richard Hamilton, influencé par Duchamp et le surréalisme. Le pop art est cependant rapidement identifié à un courant artistique américain. Aux États-Unis, la culture de l’image est prédominante, alors que se développe la société de consommation. La télévision, la publicité, le cinéma, les magazines, tous ces médias offrent une riche culture visuelle, que des artistes tels que Jasper Johns ou Andy Warhol vont s’empresser de réinterpréter. D’autant qu’ils souhaitent en finir avec le règne de l’expressionnisme abstrait.

Andy Warhol, issu du milieu publicitaire, devient rapidement la figure emblématique du mouvement pop. Il remet notamment en question le principe de l’unicité de l’œuvre, interroge la notion d’originalité, et s’inspire des icônes de l’ère contemporaine (Elvis Presley, Marilyn Monroe…). Ses œuvres sont hautes en couleurs, ce qui constitue une autre particularité formelle du pop art. En 1963, Warhol ouvre à New York la Factory (l’usine), où il s’entoure d’assistants et se consacre davantage au cinéma.

L’ironie est l’un des ressorts du pop art, qui se plaît à détourner images et symboles de la culture populaire, mais aussi de la société de consommation. Les artistes s’en emparent et les réinvestissent, non comme une forme de consécration, mais plutôt de questionnement. En témoignent, par exemple, les fameuses Brillo Boxes de Warhol (1964). Il ne s’agit pas de ready-made mais d’une appropriation par l’artiste d’un élément du quotidien : de boîte, il devient sculpture (et une œuvre d’art sacralisée au sein du musée). Warhol joue avec la notion de mimésis, de trompe-l’œil, l’une des problématiques majeures de l’art depuis l’Antiquité. Ainsi, il s’interroge sur l’écart entre la réalité et la perception que nous en avons.

Le pop art présente parfois un caractère impersonnel, chez Warhol ou Lichtenstein notamment, qui emploient des techniques de reproduction mécanique, parfois issues du monde industriel. Les œuvres de Lichtenstein, inspirées de l’univers de la bande dessinée, imitent la trame des points que l’on retrouve dans l’imprimerie. Il n’est pas rare de trouver également chez les artistes pop le goût de l’installation et de la représentation en trois dimensions, comme les sculptures molles de Claes Oldenburg, qui prennent un accent à la fois humoristique et inquiétant.

Le pop art aime cultiver l’ambiguïté. Il n’est pas toujours aisé de savoir si les artistes critiquent ou louent la société de consommation qui les inspire. De la même manière, le mouvement pop se veut populaire et démocratisé, mais ses sujets ont souvent partie liée avec l’univers de l’argent, du cinéma, de la jet-set. Une chose est certaine : il célèbre le pouvoir de l’image.

Dans les années 1970, le pop art devient plus international. Il se diffuse notamment en Italie, où il inspire le renouvellement de l’art du design.

Quelques portraits pop

Andy Warhol, Autoportrait, 1986

Des années 1960 aux années 1980, Warhol a livré plusieurs autoportraits. Réalisé à partir d’une photographie, celui-ci appartient à la série Self-portrait with a Fright Wig (Autoportrait avec une perruque d’Halloween). Le peintre se représente sous un travestissement capillaire. Sur fond noir, l’aspect fou de sa perruque contraste avec son visage sévère, où se lit une émotion complexe, entre stupeur et sidération. La frontalité introduit cependant une dimension classique dans ce portrait. Comme à son habitude, l’artiste a travaillé selon le principe de la sérialité en déclinant son visage en plusieurs couleurs, voire en le camouflant. Warhol, caméléon ?

Roy Lichtenstein, Autoportrait, 1978

Curieux autoportrait que celui de Roy Lichtenstein. En lieu et place de son visage, le miroir qu’il nous présente ne reflète rien ! Cette œuvre témoigne de la complexité sous-jacente dans l’œuvre de cet artiste, connu pour s’être inspiré le premier de l’univers de la bande dessinée et des comics. En refusant de nous livrer son apparence, l’artiste sous-entend qu’il existe une réalité plus profonde, à moins qu’il ne s’agisse d’un vide abyssal. C’est au spectateur de choisir. La technique est caractéristique de l’œuvre de Lichtenstein. Son style, qui tend à l’universalité et l’impersonnalité, est paradoxalement tout de suite identifiable.

Jasper Johns, Savarin, 1977

En guise d’autoportrait métaphorique, Jasper Johns (auteur du célèbre Flag en 1955) livre l’image frontale de la boîte de conserve qu’il utilise pour ranger ses pinceaux. Avec cette œuvre de l’intime, Johns nous fait entrer dans l’univers familier de son atelier. Au fond de l’image, il a disposé les hachures caractéristiques de son travail depuis 1972. Comme les autres artistes du pop art, Jasper Johns a toujours prêté beaucoup d’attention aux moyens de reproduction et de diffusion de ses œuvres. L’artiste a privilégié le travail en série, à l’instar d’Andy Warhol. Cependant, l’œuvre de Johns se caractérise par une recherche formelle qui flirte avec l’abstraction, et l’usage intensif des couleurs primaires


Q.


R.

LA RENAISSANCE ( mouvement )

Le concept de Renaissance est énoncé au XVIe siècle par Giorgio Vasari. Cet auteur florentin, inventeur de l’histoire de l’art, a publié le célèbre recueil Vies des plus célèbres peintres, sculpteurs et architectes (1568) dans lequel il nomme « Rinascienta » le courant artistique apparu en Italie deux siècles plus tôt, caractérisé par l’imitation des Antiques, et dont l’épanouissement s’incarnerait à travers Michel-Ange et Raphaël. La Renaissance correspond également au moment où les européens se mettent à explorer le monde, à l’apparition d’une pensée humaniste et à la diffusion des savoirs notamment grâce à l’imprimerie. À cet égard, Léonard de Vinci apparaît comme une figure emblématique de cet esprit tourné vers l’humain et vers la compréhension du monde.

Raphaël, L’École d’Athènes
Raphaël, L’École d’Athènes, 1509–1510i

Histoire du mouvement

C’est dans l’Italie du XIVe siècle qu’est apparue cette révolution esthétique et intellectuelle que l’on nomme Renaissance, et particulièrement à Florence (même si des foyers précoces ont existé dans plusieurs autres villes italiennes). La grande nouveauté est la redécouverte de l’Antiquité gréco-romaine et l’éloignement du modèle médiéval. Ce dynamisme concerne le monde des arts et des lettres.

La chronologie de la Renaissance est sujette à discussion, mais on s’accorde généralement à la situer entre le milieu du XIVe siècle (Trecento) et le milieu du XVIe siècle (Cinquecento). Le XIVe siècle (Quattrocento) est donc la période maîtresse de la Renaissance italienne. Les grands noms de cette période phare sont Michel-Ange, Sandro Botticelli, Raphaël, Donatello, pour n’en citer que quelques-uns.

Stimulé par l’intérêt pour l’Antiquité classique, l’humanisme domine la Renaissance italienne et inspire les artistes. Apparu avec Pétrarque, ce courant philosophique place l’humain au centre de l’univers, sans pour autant délaisser la pensée chrétienne. C’est le renouveau de la pensée néoplatonicienne qui s’exprime à travers lui. L’enseignement et la pédagogie prennent une place nouvelle dans la société. Les grands mécènes comme Laurent de Médicis, dit le Magnifique, sont élevés dans cette tradition.

La Renaissance représente une étape importante dans l’évolution du statut de l’artiste dans la société. Entre le XVe et le XVIe siècle, les beaux-arts passent du statut des arts mécaniques à celui des arts libéraux. Les artistes, liés aux corporations, sont encore rattachés aux pratiques manuelles mais en 1563, grâce aux efforts de Vasari et au soutien de Michel-Ange, Florence voit ouvrir la première Académie du dessin (Accademia del Disegno). Pour la première fois en Europe, on y enseigne l’anatomie, la géométrie, la philosophie…

Sur le plan des arts, la Renaissance est associée à l’invention de la perspective en 1409 autour de Brunelleschi, Masaccio, Donatello. Les artistes, en se fondant sur l’étude des mathématiques et de la géométrie, cherchent à donner l’illusion de la troisième dimension dans leurs œuvres. La Renaissance est aussi le temps d’un nouveau réalisme et de recherche de la vérité dans le travail anatomique. Leon Battista Alberti a abordé ces différents aspects dans son traité De Pictura (1435). Selon lui, les mathématiques, le cercle, les rapports de mesure (en particulier la divine proportion ou nombre d’or) sont le fondement de la beauté. Les mouvements du corps doivent refléter les mouvements de l’âme, le visible doit traduire l’invisible. Alberti prône un équilibre entre le réel et l’idéal, ce qui définit la conception de l’Homme dans le Quattrocento italien.

Les personnages ont une nouvelle présence, portent le poids de leur corps et de leur âme. Dans la peinture, les figures ne sont plus étagées sur le fond des retables mais habitent l’espace représenté dans sa tridimensionnalité. Les artistes construisent leur composition d’après des lignes de fuite, représentent les architectures de la ville. Le divin ne s’exprime plus de la même manière : exit les fonds dorés et les auréoles, désormais, c’est l’humain qui l’incarne.

Des œuvres clés

Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus
Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus, 1485i

Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus, 1485

Selon la Théogonie d’Hésiode, Vénus, déesse de la beauté, est née des flots de la mer. La jeune femme est représentée debout dans une coquille. Elle est pudique, masquant son sexe derrière sa longue chevelure animée par le vent (symbolisé par Zéphyr, à gauche). Sa posture, en contrapposto, rappelle la sculpture antique. Vénus apparait ici comme l’allégorie de la beauté et de la fécondité universelle. Comme à l’accoutumé dans les œuvres d’inspiration néoplatonicienne, le peintre, dans un système de double lecture, confronte plusieurs niveaux de réalité, idéal et naturel.

Andrea Verrocchio, David
Andrea Verrocchio, David, 1476i

Andrea Verrocchio, David, 1476

Réalisée pour la famille de Médicis, cette sculpture s’inspire d’une autre œuvre majeure de la Renaissance, le David de Donatello (1440). D’une beauté idéale, le jeune héros se tient dans un contrapposto caractéristique de la période. Le maître de Léonard de Vinci allie au souvenir de l’Antiquité classique des éléments de modernité : la précision anatomique, l’étude psychologique du personnage et la préciosité des matériaux. La sculpture paraît aussi fine et ciselée qu’un bijou d’orfèvrerie.

Léonard de Vinci, L’Homme de Vitruve
Léonard de Vinci, L’Homme de Vitruve, vers 1490i

Léonard de Vinci, L’Homme de Vitruve, vers 1490

Ce célèbre dessin de Léonard de Vinci représente les proportions du corps humain, inspirées des théories de l’architecte romain Vitruve. Inscrit dans un cercle et dans un carré, cet homme idéal est un emblème de l’humanisme de la Renaissance qui place l’humain au cœur de tout, de la nature comme de l’univers. Il est représenté dans plusieurs positions, et de telle sorte que ses jambes écartées forment un parfait triangle équilatéral.


S.

SURREALISME ( mouvement )

Mouvement d’avant-garde né dans le sillage de Dada après la Première Guerre mondiale, le surréalisme incarne à la fois une attitude et un groupe d’artistes et d’intellectuels. Transdisciplinaire, il est néanmoins emmené par une personnalité dominante, celle d’André Breton, auteur d’un Manifeste du surréalisme en 1924. Selon l’écrivain français, l’approche surréaliste réside dans l’exploration de l’inconscient, que ce soit dans l’écriture ou les arts. Par ce recours à la thématique omniprésente du rêve, il réactualise les principes du symbolisme.

Salvador Dalí, La Persistance de la mémoire
Salvador Dalí, La Persistance de la mémoire, 1931i

« L’idée de surréalisme tend simplement à la récupération totale de notre force psychique. » – André Breton

Histoire du mouvement

Dada, apparu pendant la Première Guerre mondiale, avait été le premier mouvement à souligner l’irrationalité des êtres humains, l’absurdité du monde, et la nécessité d’un esprit de révolte. Les futurs membres du surréalisme ont vécu la guerre de près, et c’est de l’amitié entre André Breton (passé par le mouvement Dada), Louis Aragon et Philippe Soupault qu’allait germer un nouvel état d’esprit incarné dans la création d’une revue, Littérature, parue en 1919. Se joignent à eux Francis Picabia et Georges Bataille.

En 1924, André Breton publie le Manifeste du surréalisme. Il est entouré de tout un collège d’amis et d’admirateurs parmi lesquels se comptent Louis Aragon, Robert Desnos, René Crevel. Il y définit le surréalisme comme un « automatisme psychique pur » permettant d’exprimer la réalité de ses pensées, sans censure, que ce soit par l’écriture, le dessin, ou de toute autre manière. Le surréalisme est basé sur l’exploration du monde onirique, dans l’espoir de reconnecter l’Homme avec son intériorité. L’écriture automatique (initiée par Breton en 1919), par exemple, permet cette libération : elle est censée ne faire intervenir ni la conscience, ni la volonté, en écrivant le plus rapidement possible ses pensées dans un état de lâcher-prise, entre veille et sommeil. La connaissance des théories freudiennes (notamment la notion d’inconscient) a joué un impact important sur le surréalisme.

De nombreux peintres et sculpteurs ont rejoint le mouvement surréaliste, d’une manière plus ou moins durable : Salvador DalíMarc ChagallAlberto GiacomettiRené MagritteMax ErnstAndré MassonJoan MiróDora MaarMan Ray, Meret Oppenheim, Dorothea Tanning… Certains rendront leurs visions, conscientes ou inconscientes, par le biais d’une figuration onirique, d’autres par des expressions abstraites.

Tant d’artistes et d’auteurs y ont contribué qu’il est difficile d’en définir une ligne dominante, esthétique ou philosophique. Plusieurs points communs réunissent malgré tout ses membres comme le goût de la liberté et la quête poétique.

Au cours des années 1920, des tensions apparaissent entre les membres du groupe, en raison de l’attitude jugée despotique de Breton. Certains s’éloignent du mouvement, en particulier Jacques Prévert et Yves Tanguy. À partir de 1930, le surréalisme prend une dimension nettement politique, sur la volonté d’André Breton, et se met « au service de la révolution » communiste. C’est un sujet de discorde entre les membres du groupe. Durant cette décennie, les surréalistes organisent de grandes expositions internationales dont la principale se tient à la galerie des Beaux-arts de Paris en 1938.

L’influence du surréalisme a été importante dans de multiples domaines, que ce soit le cinéma ou l’affiche. La Seconde Guerre mondiale finira de dissoudre le mouvement. Breton tentera de le reconstituer jusqu’à sa mort en 1966. Cependant, le surréalisme reste vivant dans les esprits comme un mouvement libérateur, mettant l’accent sur le psychisme et la sexualité.

Des œuvres clés

Joan Miró, Le Carnaval d’Arlequin
Joan Miró, Le Carnaval d’Arlequin, 1924–1925i

Joan Miró, Le Carnaval d’Arlequin, 1924–1925

Toile de la période surréaliste de l’artiste, ce Carnaval d’Arlequin est le produit d’hallucinations du peintre, alors qu’il n’avait pas les moyens de se nourrir. Miró fait cohabiter de multiples personnages étranges, nourris de son imagination et n’ayant pas d’attachement à un quelconque principe de réalité. L’artiste a fait la rencontre des surréalistes en 1924, avec lesquels il prendra ses distances dans les années 1930.

Alberto Giacometti, La Table surréaliste
Alberto Giacometti, La Table surréaliste, 1933i

Alberto Giacometti, La Table surréaliste, 1933

Dispositif poétique, cette table frappe par son étrangeté : à quatre pieds, elle supporte un buste énigmatique, des objets angoissants telle une main coupée. L’équilibre de l’ensemble paraît fragile, instable. Giacometti a fait la connaissance du groupe en 1929. Ses œuvres surréalistes témoignent de son talent poétique et de sa capacité à explorer ses traumatismes.

René Magritte, Le Faux miroir
René Magritte, Le Faux miroir, 1929i

René Magritte, Le Faux miroir, 1929

Ceci n’est pas un œil, mais une représentation onirique et symbolique de la vision. Magritte attire notre attention sur le fait que « voir » est une activité cérébrale, une création mentale. Selon lui, ce que nous interprétons comme le réel n’est jamais qu’une dimension en cachant d’autres. D’origine belge, l’artiste a d’abord côtoyé le mouvement Dada avant de se rapprocher du surréalisme, mais il n’a jamais adhéré aux théories psychanalytiques en vogue dans ce groupe.

Meret Oppenheim, Petit déjeuner en fourrure
Meret Oppenheim, Petit déjeuner en fourrure, 1936i

Meret Oppenheim, Petit déjeuner en fourrure, 1936

Introduite auprès d’André Breton en 1933, la Suissesse est l’une des quelques femmes à avoir participé au mouvement surréaliste. Tout en fabricant des bijoux, elle est aussi l’auteure de ce fameux objet bien évidemment inutilisable mais infiniment désirable. Le caractère sauvage de la fourrure contraste avec la nature industrielle de la tasse et des objets qui l’accompagnent. C’est l’exemple d’une association pleinement poétique entre des idées et des univers étrangers l’un à l’autre.


T.


U.

V/

Victor Vasarely

(1908, Pecs – 1997, Paris)
Artiste français d’origine hongroise. Après ses études à Budapest, notamment auprès de Bortnyik en 1929, il arrive à Paris en 1931. Tout en travaillant dans la publicité et la décoration, il élabore des oeuvres où le motif figuratif est soumis à un traitement purement graphique et à des oppositions tranchées de noir et de blanc qui suggèrent le modelé (série des Zèbres, 1932-1942). Jusqu’en 1947, il emprunte, selon ses termes, quelques « fausses routes » figuratives, mais qui schématisent l’objet jusqu’à la « révélation véritable de l’abstrait » : il repère alors, dans les galets et coquillages de Belle-Isle, une géométrie interne à la nature. En 1955, il publie son Manifeste jaune, définissant les fondements de l’art cinétique. Le mouvement est suggéré par l’illusion optique que produisent deux formes-couleurs fortement contrastées. Ce seront le noir et blanc jusqu’en 1960, puis les couleurs, et Vasarely constitue progressivement un « alphabet plastique » d’un millier d’échantillons (« prototypes-départ ») pouvant entrer en combinaison. Il peut dès lors programmer ses créations en jouant sur les formes de base (carré, cercle, losange, pentagone), les couleurs et les nuances. Les formes peuvent être mises en perspective pour créer l’impression de volume ou de profondeur (série de Tridim, 1965-1970). L’élaboration de ce système est pour Vasarely inséparable du contexte social et de ses applications à l’intégration : il produit des multiples, et milite dans son ouvrage Plasticité (1970) pour l’intégration totale de l’art à l’architecture et l’urbanisme. En 1970, il ouvre son musée « didactique » à Gordes, en 1976 sa fondation Vasarely à Aix-en-Provence : dans son optique, il s’agit désormais de remplacer la nature par la beauté artificielle telle qu’il la conçoit.

Vega-200, Victor Vasarely, 1968
Vega-200, Victor Vasarely, 1968

KUSAMA Yayoi

(1929, Nagano, Japon)
Artiste et écrivaine japonaise. Son travail est lié à l’obsession de la répétition et de l’accumulation qui la hante depuis son enfance où elle parlait le langage des fleurs et des animaux. Après ses études à l’École des arts appliqués de Kyoto, elle présente une exposition de 280 objets puis expose à l’association japonaise de psychiatrie. Dès 1955, elle correspond avec Georgia O’Keeffe, expose à Seattle en 1957 puis s’installe à New York. Elle ne produit alors que des œuvres monochromes « compulsives ». Vers 1959 ses travaux, faits d’immenses filets et de pois, attirent l’attention. Puis, vers 1961, elle se rapproche de l’Op Art et de l’art environnemental avec ses Soft sculptures sur le thème du sexe et de la nourriture. En 1964, elle crée des sculptures cinétiques, faites d’ampoules et de miroirs, puis expose à la Biennale de Venise en 1966. Parallèlement elle réalise une série de performances, des filins et des vidéos comme la Disparition des pois de Kusama (1967). Insatiable, elle touche à tous les genres en 1968, elle réalise trente happenings, produit et organise la vente de vêtements, la vente par correspondance de films, écrit dans les magazines pour sa promotion, le tout considéré comme ses propres modes d’expression. De retour au Japon en 1975, elle produit des collages fort éloignés de l’ampleur proliférante de ses œuvres antérieures et qui reflètent son obsession de la mort. Elle a publié des poèmes et des romans plus ou moins autobiographiques parmi lesquels Deuxième Tentative de suicide à Manhattan (1978), Christopher, maison de prostitution masculine (1983), l’Église de Saint-Marx en flammes (1985).

Dots Obsessions. Infinity Mirrored Room, 1998
Environnement – peinture, miroir, ballons, adhésif, hélium
280x600x600 cm
Les Abattoirs, Toulouse